La carte ci-jointe montre le parcours et les points de vue approximatifs. Elle est très généraliste et, de plus, tournée de quelques degrés dans le sens des aiguilles d'une montre, de sorte que le nord se trouve à peu près en haut à droite.
Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842), peintre française, a parcouru cet itinéraire en 1808 sur les conseils de son hôte bâlois Ethinger, comme elle l'écrira plus tard dans ses Mémoires :
"Je pris le chemin de l'évêché de Bâle pour aller à Bienne; c'est M. Ethinger qui me conseilla cette route. Il avait grandement raison, car cette route est sans contredit la plus pittoresque, la plus variée, la plus grandiose. On y voit des scènes de paysage qui surpassent en beauté tout ce qu'on peut voir dans l'intérieur de la Suisse; j'étais sans cesse en admiration."
Souvenirs de Madame Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun, Bd. 3, Paris 1837, S. 232
La première vue ouvre le regard vers le sud, dans le Birseck. Ici, sur le tronçon le plus en aval de la Birse, l'histoire et la nature se rejoignent. D'une part, deux batailles célèbres de l'histoire suisse ont eu lieu dans la région, à savoir à St. Jakob an der Birs en 1444 et à Dornach en 1499. D'autre part, on peut reconnaître sur la vue trois ruines de châteaux forts, à savoir, outre Münchenstein, Reichenstein au-dessus d'Arlesheim et, à droite, la ruine de Pfeffingen.
Philippe-Sirice Bridel fait l'éloge du paysage pittoresque avec ses vues agréables. Dans la cuvette coupée à gauche de l'image passait un canal dérivé de la Birse au 12e siècle, qui faisait fonctionner des moulins à papier, une tréfilerie et un marteau de cuivre. Le terrain ainsi gagné était appelé "Nouveau Monde" et offrait vers 1800 un petit coin tranquille avec une petite forêt et une cabane en bois. Aujourd'hui encore, le "Park im Grünen" et les jardins Merian servent de zone de détente.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 2 - 3; Brigitta Strub, "Münchenstein", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 22.01.2009 [22.12.2023]
A Dornachbrugg se trouve le passage de la Birs, qui nous ramène sur la route principale de la rive gauche. Nous sommes déjà dans le canton de Soleure. Sur la vue, nous voyons le vieux pont de 1612/13 avec la tour de la porte construite au début du 16e siècle. Tous deux ont été détruits par des inondations en 1813, mais seul le pont a été reconstruit.
Inventar historischer Verkehrswege der Schweiz (IVS) BL 104 (PDF) [22.12.2023]; Anna C. Fridrich, "Dornachbrugg", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 14.04.2004 [22.12.2023]; Gottlieb Loertscher, Die Kunstdenkmäler des Kantons Solothurn, Bd. 3, Basel 1957, S. 288-289 [29.07.2024]
A l'endroit où la Birse traverse sa dernière cluse, une famille noble inconnue a fait construire un château peu après 1286. Sa situation dans une percée dans la roche lui a valu son nom, qui signifie "pierre étroite". Partiellement détruit lors du tremblement de terre de Bâle en 1356, il fut reconstruit, mais brûla en 1494 et 1517 et était resté inhabité depuis lors jusqu'à ce qu'il soit à nouveau habitable à partir de 1562. Au moment de la création de cette vue, le bâtiment appartenait à la famille Noël et Grandvillars. Ceux-ci avaient adapté l'intérieur au goût du jour, comme le constatait avec admiration Désiré Raoul-Rochette en 1824.
(Quellen: de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 4
Comme de nombreuses rivières, la Birse servait autrefois au transport du bois. Elle permettait d'acheminer le bois du Jura soleurois et bernois vers Bâle. On attachait les troncs d'arbres et on les laissait flotter sur l'eau comme un radeau. Les obstacles, comme par exemple la chute d'eau près de Grellingen, étaient franchis au moyen de "Flössgassen", comme on peut le voir ici à droite.
Albin Fringeli, Der Birs entlang. Von Flössern, Fuhrleuten und fremdem Volk, in: Jurablätter. Monatsschrift für Heimat und Volkskunde, 21. Jg., Heft 2, 1959, S. 35 - 45 [29.07.2024]
Les sources de l'Ibach se trouvent près de Meltingen, dans le canton de Soleure. Cet endroit devait être un hotspot local de pêcheurs, puisque Philippe Sirice Bridel, auteur des textes accompagnant les vues de ce Voyage pittoresque, écrit :
"Ce bassin, de l'eau la plus pure, est le réservoir des meilleures truites de la contrée : le pêcheur solitaire y vient souvent jeter sa ligne en silence, et en retire adroitement ce beau poisson suspendu à l'hameçon trompeur [....].".
La vue représente d'ailleurs ce pêcheur solitaire. Bridel souligne également la beauté du parcours, très riche en eau ; petites rivières, torrents et sources jaillissantes agrémentent tout le voyage de Bâle à Bienne.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 6
"Aux portes de Laufon, petite ville qui ne mérite ce nom que par l'enceinte presque régulière et par la muraille presque imposant qui l'environne, la Birse fait une chute charmante, et d'autant plus remarquable ici, que l'art n'y est pas demeuré étranger. Des usines d'une jolie construction l'entourent de chaque côté, et un pont de bois, qui s'élance légèrement d'une rive à l'autre, semble avoir été jeté là tout exprès pour servir de cadre au paysage."
Desiré Raoul-Rochette, Lettres sur la Suisse, Paris 1828, S. 51 - 52
A l'embouchure de la Lucelle dans la Birse, une scierie utilise la force de l'eau et la facilité de transport du bois sur la rivière. "Tout auprès est un moulin à scier le bois, à demi caché dans la futaie, ainsi que la simple habitation de son possesseur. Des piles de planches déjà travaillées et de troncs qui ne tarderont pas à se fendre sous les dents acérées d'un fer toujours en action, sont répandues tout autour; et dans l'ombre on distingue l'écluse qui fournit l'eau, la roue que le courant fait tourner, et la scie infatigable, dont le bruit lent et sourd semble s'unir au murmure de la Lucelle pour inviter au repos."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 8
A l'embouchure de la vallée de Bärschwiler (à droite de l'image), il existait déjà une fonderie de fer au 17e siècle. Sur la rive opposée de la Birse, une verrerie a commencé son activité en 1775/83 (selon les sources). Elle fut abandonnée en 1865, alors qu'elle employait encore, paraît-il, 150 personnes dans les années 1820!
Robert Glutz von Blotzheim, Handbuch für Reisende in der Schweiz, 5. Auflage, Zürich 1823, S. 272; Lukas Schenker, "Bärschwil", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 15.09.2009 [05.01.2024]; Gottlieb Loertscher, Die Kunstdenkmäler des Kantons Solothurn, Bd. 3, S. 147 [29.07.2024]
A environ trois kilomètres en amont se trouve un autre ancien site industriel. Le moulin à céréales de Liesberg existe depuis au moins 1602, et une scierie et une râperie sont venues s'y ajouter une vingtaine d'années plus tard. Les râpes servaient à extraire les fibres végétales du chanvre ou du lin, nécessaires à la fabrication de textiles. Un peu en aval du moulin, un pont mentionné pour la première fois en 1467 et qui s'est effondré en 1935 enjambait la Birse.
Ces deux constructions, qui trônent sur une crête au-dessus de la Birsklus au nord de Delémont, sont les seules ruines de l'avant-château. Sur le côté gauche se trouve une petite chapelle, sur le côté droit une tour unique qui était la tour de guet du château supérieur. Selon la légende, la chapelle a été consacrée par le pape Léon IX en 1049. En 1356, le tremblement de terre de Bâle a partiellement détruit les deux châteaux. L'un des châteaux est toutefois resté habité au cours des siècles suivants. La chapelle du château est devenue un lieu de pèlerinage important à partir du 17e siècle. La raison en était une statue miraculeuse de la Vierge Marie qui avait été cachée par la population locale pendant l'occupation française de 1794 à 1803. Les pèlerins venaient et viennent non seulement du Jura, mais aussi des régions catholiques voisines comme le Laufental, Soleure, la Suisse centrale et l'Alsace.
Rais Jean-Louis, "Les châteaux de Telsberg", in : Revue de l'Association Suisse pour Châteaux et Ruines, 1995, vol. 68, cahiers 5-6 [29.07.2024]; https://www.jura.ch/fr/Autorites/Archeologie-2017/Carte-des-sites/Sites-fouilles-principaux/Delemont-Le-Vorbourg.html [02.06.2023]; Iso Baumer, Die Kapelle unserer lieben Frau von der Vorburg, in: Unsere Kunstdenkmäler, Bd. 23, 1972, S. 91-96 [05.01.2024]
Après la cluse du Vorbourg, le vaste bassin de Delémont s'ouvre de manière surprenante. La ville de Delémont se trouve sur sa bordure nord, sur une terrasse de terrain légèrement surélevée. Vers 1800, la ville comptait environ 1000 habitants et appartenait - comme l'ensemble de la principauté épiscopale - à la France. Avant la Révolution française, à laquelle Delémont s'est ralliée en 1793, il existait un couvent d'Ursulines et un autre de Capucins. En 1815, la ville fut rattachée au canton de Berne et en 1979, elle devint le chef-lieu du nouveau canton du Jura. Un écrivain-voyageur contemporain donne un bon certificat à la localité : "La petite ville elle-même a un aspect agréable, des rues larges, en partie droites et ornées de jolies maisons."
François Kohler, "Delsberg (Gemeinde)", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 15.06.2020, übersetzt aus dem Französischen [08.01.2024]; François Kohler; François Schifferdecker, "Jura (Kanton)", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 19.09.2019, übersetzt aus dem Französischen [08.01.2024]; Heinrich Heidegger, Handbuch für Reisende in der Schweiz, 4. Auflage, Zürich 1818, S. 176
A Courrendlin, le voyageur quitte la plaine de Delémont et entre dans les gorges du Jura, plus précisément dans l'abbaye de Moutier (vallée de Munster). En 1802, il y avait une grande fonderie de fer à Courrendlin. Bien que, selon Bridel, les forges soient comparables, la nuit, aux grottes de l'Etna, le plus bel ornement de Courrendlin reste la cascade de la Birse. Il la décrit ainsi:
"Cette cascade n'est point élevée ; mais son mérite n'est pas dans sa hauteur : mais la scène qui l'entoure, relève infiniment cette décoration champêtre. Des monticules de tailles diverses, que peuplent des arbres de feuillages divers ; de petites bandes de pelouse éparses dans des bocages épais ; des gradins rocailleux qui s'élèvent progressivement [...] L'épaisseur de ces bosquets touffus, la riche végétation de ces pâturages, ce zéphyr dont la Birse rafraîchit la douce haleine, [...] ce silence qui n'est interrompu que par le bruit de la rivière, font de ce site un paysage vraiment Arcadien, où les yeux et le coeur s'arrêtent à l'envi sur les plus riantes images."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 13
En suivant toujours la Birse, le voyageur est ensuite conduit dans la Vallée de Moutier, qui coupe la grande chaîne du Jura.
"Plus on avance, plus l'étonnement redouble, C'est d'un côté la nature qui prodigue avec une intarissable profusion tout ce qu'elle a de plus riche, de plus sublime, de plus invraisemblable, en rochers, en eaux, en forêts, en formes, en ombres et en accidens de tout genre ; c'est de l'autre ce désordre irrésistible produit et augmenté par les tremblemens de terre, par les innondations et par la marche pesante et destructive des siècles, qui dérange et confond la distribution primitive de tous ces trésors [...]."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 34
L'énergie hydraulique n'était pas seulement utilisée pour moudre les céréales, mais aussi pour le travail des métaux. Dans la forge à marteaux de Roches, l'eau met en mouvement une petite roue qui entraîne à son tour un marteau via un arbre à cames. Le minerai de fer extrait dans la région pouvait ainsi être transformé rapidement et il fallait beaucoup moins de force musculaire pour lui donner la forme de plaques, de lingots ou de couteaux.
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"Au fond de la gorge, la Byrse se déploye plus ou moins rapidement dans les sinuosités du canal qu'elle s'est creusé: un grand nombre de blocs détachés des hauteurs, s'élèvent du milieu de son lit, comme autant d'îles tapissées de mousse, chargées de jeunes sapins & encadrées, les unes en blanc dans l'écume de la rivière bouillonnante, les autres en bleu dans le miroir de sn eau plus paisible: rien ne manque à cette mélancolique & sublime solitude pour en faire le premier des jardins Anglais [...]."
La comparaison avec un jardin anglais n'est pas fortuite, car c'est en 1785 que l'Ermitage a ouvert ses portes autour du château de Birseck, près d'Arlesheim. Il reprit le principe anglais d'imiter les formes naturelles du paysage par l'aménagement du parc, contrairement au jardin baroque français où les lignes droites et la symétrie prévalaient.
Philippe-Sirice Bridel, Course de Bale a Bienne par les Vallées du Jura, Basel 1789, S. 84-85; https://ermitage-arlesheim.ch/de/geschichte [25.10.2024]
Philippe-Sirice Bridel raconte l'histoire suivante dans son texte d'accompagnement : "Au commencement du dernier siècle se reposoit ici sur un vieux tronc, au bord de la Birse, un Anabaptiste de la vallée de Moutier, en barbe blanche, en habit de toile et en chapeau sans bouton. Il voit venir un inconnu dans le plus grand désordre (c'etoit un marchand ambulant), et il s'aperçoit qu'il verse des larmes. Voici le court dialogue qu'ils eurent ensemble. – 'Qu'as-tu pour pleurer ainsi? – Je suis ruiné; des brigands m'ont tout pris; il ne me reste rien. – T'a-t-on aussi pris le bon Dieu? – Non – Eh bien! ne dis donc pas on m'a tout pris. Tiens', ajoute l'Anabaptiste, en lui mettant sa bourse dans la main, 'tiens, frère! voilà ce que le bon Dieu me dit de te donner de sa part' ... et, sans attendre de remercimens, il continue sa route, et il s'éloigne à grands pas."
Hanspeter Jecker, "Täufer", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 14.08.2012 [02.06.2023]; Voyage pittoresque de Bâle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 19
En 1797, cinq hommes fondent la verrerie de Roches sur le territoire de la commune de Rebeuvelier. Outre les conditions habituelles pour ce type d'entreprise industrielle - des forêts proches pouvant couvrir les énormes besoins en bois et un cours d'eau - la route qui passait par là a probablement joué un rôle. Plus que la plupart des autres lieux représentés dans ce Voyage pittoresque Voyage pittoresque, la verrerie de Roches a acquis une certaine célébrité en tant que motif pictural et a été représentée à plusieurs reprises, y compris dans des publications françaises et hollandaises, jusqu'à sa dissolution et son transfert à Moutier en 1869. Cette vue de Peter Birmann ouvre le bal.
Emmanuelle Evéquoz, Ursule Babey et al., Rebeuvelier - La Verrerie, redécouverte d’un passé préindustriel, Porrentruy 2013, (Cahier d’archéologie jurassienne 35) S. 11-26 [29.07.2024]
"Les rochers (calcaire jurassique), se dressent souvent comme des tables hautes comme le ciel, juxtaposées verticalement et violemment déchirées, et contiennent de nombreuses grottes".
Heinrich Heidegger, Handbuch für Reisende in der Schweiz, 4. Auflage, Zürich 1818, S. 329
Le village de Roches comptait encore environ 250 habitants vers 1800, soit un peu plus qu'aujourd'hui. Il a été rattaché au canton de Berne en 1815, où il est resté jusqu'à aujourd'hui.
Christine Gagnebin-Diacon, "Roches (BE)", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 16.05.2012, übersetzt aus dem Französischen [12.01.2024]
"Le grand nombre de forges et d'ateliers en fer répandus sur toute cette lisière du Jura, nécessite une forte consommation de charbon : mais la contrée est tellement remplie de forêts, que la matière première ne manquera pas de long-tems à cette fabrication. Après avoir laissé derrière soi le village de Roche, on s'arrête avec plaisir près d'un local, que ce genre de travail rend aussi intéressant pour l'observateur, que romantique pour le peintre. Les charbonnières fument dans une spacieuse enceinte de rochers bizarrement jetés les uns sur les autres, sous l'ombrage d'arbres qui en abritent la base et les flancs, à côté de la Birse encaissée par de petites digues. Vous y voyez les ouvriers empiler les bois amenés de plus loin, les couper en bûches égales, en former le cône régulier qu'un feu lent et progressif doit enfin réduire en charbon, et le couvrir de terre ou quelquefois de mousses humectées. Dès que le feu y est, ils doivent le surveiller jour et nuit, et ces élèves de Vulcain, enfumés comme leur maître, sont alternativement sur pied, jusqu'à ce que la cuite soit achevée [...]."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 22
"Une route bien entretenue de Bâle à Bienne traverse le Münsterthal, le long de la Birse, tantôt sur la rive gauche, tantôt sur la rive droite de celle-ci. Tant le cours de cette rivière, ses nombreuses chutes et ponts pittoresques, que la formation des rochers captivent l'attention de tout ami de la nature". - "La promenade sur le chemin de Delémont, vers le pont de Pennes, qui se présente avec ses environs d'une manière très pittoresque, est gracieuse ; la grotte de Saint-Germain a été en partie sacrifiée à la route, le ruissellement des petits ruisseaux sur les rochers moussus mérite d'être vu".
Heinrich Heidegger, Handbuch für Reisende durch die Schweiz, 4. Auflage, Zürich 1818, S. 329-330
L'événement, à première vue anodin, d'un tronc d'arbre tombé par-dessus la rivière, amène Philippe-Sirice Bridel à s'attarder longuement sur la nature de ce paysage :
"[...] une décoration, dont le plan et l'exécution n'appartiennent qu'à la nature, qui seule en a fait tous les frais:.. elle à renversé und grand arbre par la main du temps; elle l'a jeté hardiment tout au travers de la Birse; elle l'a fixé sur l'un et sur l'autre rivage, en engageant ses extrémités dans ses fentes de rocher; elle a commandé aux vents et aux ondes de le dépouiller de ses rameaux superflus: et voilà un pont de nouveau genre, et qui même a deux arches distinctes [...]. L'écureuil le traverse en bondissant, ... la chévre s'y hazarde sans crainte, .. le pêcheur qui hante cette plage isolée s'en sert comme d'une barrière pour affermir ses pas glissans, quand il passe au demi-nu d'un born à l'autre, .. la rivière qui coule paisiblement en dessous, prend plaisir à répéter dans une nappe azurée et calme cet ouvrage dont l'homme ne s'est point mêlé. Tous les environs sont parfaitement analogues à ce pont naturel, et le désordre même qui le caractérise, est en harmonie avec lui [...]."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 24
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Pour traverser les gorges de Moutiers, il fallait, selon Johann Gottfried Ebel, environ deux heures - mais si l'on voyageait pour le plaisir de voyager, le temps de trajet pouvait tout à fait doubler :
"J'avais mis plus de quatre heurs à parcourir les gorges de Moûtiers, m'arrêtant à chaque rocher, et pour ainsi dire à chaque pas, constamment resserré entre deux énormes murailles calcaires, au bord de la Birse mugissante, et dans le fond d'un abîme, où le chemin que l'on suit, inégal et tourmenté comme la Birse elle-même, n'a été conquis, à force de courage et d'industrie, que sur les débris des monts et sur le lit du torrent."
Johann Gottfried Ebel, Anleitung, auf die nützlichste und genussvollste Art die Schweitz zu bereisen, Bd. 3, Zürich 1810, S. 516; Désiré Raoul Rochette, Lettres sur la Suisse, Paris 1828, S. 26-27
"Au sortir de cette gorge étroite, on se voit tout d'un coup dans une vallée large et fertile, où est situé le beau village de Moûtiers-Grand-Val. Entre cette foule d'habitations rustiques, toutes uniformes, qui se pressent les unes contre les autres, la maison du bailli se distingue seule par une élévation tant soit peu ambitieuse [...]."
Le monastère de Moutier-Grandval a été fondé à cet endroit vers 640. Au plus tard au 12e siècle, le bourg de Moutier s'est formé autour de lui. En 1531, le couvent a été transféré à Delémont dans le cadre de la Réforme. Moutier est cependant resté jusqu'en 1797 le chef-lieu de l'abbaye de Moutier-Grandval, un bailliage de la principauté de Bâle. Elle a ensuite été rattachée à la France, puis au canton de Berne en 1815. En 2026, Moutier rejoindra probablement le canton du Jura après des votations populaires répétées.
Désiré Raoul Rochette, Lettres sur la Suisse, Paris 1828, S. 27-28; François Wisard, "Moutier (Gemeinde)", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 21.06.2017, übersetzt aus dem Französischen [15.01.2024]; https://www.admin.ch/gov/de/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-90106.html [15.01.2024]
Avant la correction de 1836, la route passait dans les gorges de Court, sur la rive gauche de la Birse.
Un voyageur portant un sac transcrit une inscription gravée dans la roche, représentée au centre de l'image. L'inscription, rédigée en latin par le professeur d'histoire strasbourgeois Johann Daniel Schoepflin (1694-1771), est traduite comme suit :
"Joseph Wilhelm Rinck von Baldenstein, prince-évêque de Bâle, a ouvert cette route bordée de vieux rochers, des masses montagneuses faisant obstacle ont été dynamitées et la Birse a été traversée par des ponts ; un ouvrage digne des Romains, en 1752".
Elle fait référence à l'aménagement de la route de Bâle à Bienne, ordonné par le prince-évêque Jacob Sigismond de Reinach. Dans la Gorge de Court, cette route a été entièrement refaite, alors qu'auparavant elle passait par les hauteurs de Saulcy et de Bellelay. Le trajet était ainsi en grande partie plat et utilisable sans problème par les véhicules hippomobiles, un ouvrage qui n'avait pas à rougir de la construction routière romaine - aux yeux des contemporains. Lors de travaux routiers en 1938, l'inscription est tombée dans la Birse et une copie en a été faite.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval 1802, S. 29; Inventar historischer Verkehrswege der Schweiz (IVS) BE 60 (PDF) [15.01.2024]
"Bientôt on entre dans un local vraiment délicieux, parce que des formes gracieuses succèdent aux fromes menaçantes et que les plus riantes images de la pastorale remplacent les images sévères des sites précédemment décrits: les montagnes s'éloignent et laissent entre leurs flancs une petite plaine, ici couverte d'une pelouse fleurie, là tapissée des buissins clair-semés, plus loin ombragée par divers groupes d'arbres qui abandonnent aux jeux des zéphirs la chevelure de leur feuillage ondoyant. Sur le devant, un superbe sapin, tel qu'une sentinelle avancée, garde ce poste charmant [...] la Birse promène ses eaux paisibles dans les détours de cette enceinte [...]."
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 31
„C'est la Birse qui abandonne son rôle de rivière pour jouer celui de torrent; c'est son lit encombré de mille blocs, entre lesquels elle se rompt en divers courans; elle soulève en grondant des bouillons écumeux; elle entraîne les troncs, les branchages, les racines des arbres qu'elle a renversés; elle les jette au hazard comme des ponts entre les différens écueils qui sortent de ses eaux mugissantes; c'est un chemin taillé en corniche sur les rocs dont elle est encaissée, que l'étranger se hâte de passer rapidement dans la crainte d'être englouti avec la base dégradée qui le porte. Les sapins abandonnent prudemment ce dangereux rivage, et se retirent hors de l'insulte des ondes sur des banes plus élevés, où les vents font souvent ce que les flots n'ont pu faire, en les culbutant dans les précipices inférieurs. Le débouché de cette dernière gorge captive l'amateur par une profusion de détails du genre le plus piquant.“
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 31
La Birse prend sa source à Tavannes. Autrefois jaillissant sous un rocher recouvert de mousse, le captage de sa source se trouve aujourd'hui dans un bâtiment de verre et de béton. Peu après sa source, sa force hydraulique était déjà exploitée : “A quelques pas au-dessous de Pierre-Pertuis se trouve la source de la Birse, et cette source est charmante comme la Birse elle-même. Elle sort à flots presses d’un rocher mousseux; à peine échappée de l’urne qui la recèle, elle fait dejà tourner trois roues de moulin […].”
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Desiré Raoul-Rochette, Lettres sur la Suisse, Paris 1828, S. 34
Le col de la Pierre-Pertuis relie Sonceboz dans le Vallon de Saint-Imier à Tavannes dans la Vallée de Tavannes. Creusé par les Romains dans un gros rocher, il est décrit par Philippe-Sirice Bridel comme "un objet de visite pour les curieux, un sujet de dissertation pour les antiquaires, une pièce précieuse pour les peintres qui l'ont dessiné sous tous les angles".
Cette route était déjà empruntée à l'époque romaine et daterait de la seconde moitié du 1er siècle. Elle était appelée "Petra Pertusa", ce qui signifie "pierre percée", et reliait deux routes militaires : celle d'Avenches à Augst via Soleure et celle de Besançon à Kembs via Mandeure.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, p. 30; Martin Bossert, "Pierre Pertuis", in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Version vom 28.09.2010 [29.07.2024]; Inventar historischer Verkehrswege der Schweiz (IVS) BE 39 (PDF) [15.01.2024]
La rivière que l'on voit sur cette vue de La Reuchenette n'est plus la Birse, mais la Suze, qui traverse le vallon de Saint-Imier et se jette dans le lac de Bienne. Autrefois, il y avait à cet endroit, comme à beaucoup d'autres endroits dans le Jura, une série de forges. Au début du XXe siècle, elles étaient déjà presque abandonnées, tout comme les bains thermaux qui s'y trouvaient.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, Vue de la Reuchenette
La Suze forme la chute d'eau de Chesant à Rondchâtel (Jura bernois), que le voyageur peut voir depuis la route. Pour cette vue, le dessinateur Peter Birmann s'est toutefois approché le plus près possible de la chute d'eau.
Voyage pittoresque de Basle à Bienne par les Vallons de Mottiers-Grandval, Basel 1802, S. 35
Dans ses Mémoires, Elisabeth Vigée-Lebrun décrit un incident survenu lors de son voyage de Bâle à Bienne, qui aurait bien pu se dérouler dans les gorges du Taubenloch.
"Aimable comtesse, si vous avez peur des précipices, je ne vous engage pas à suivre la route de l'évêché de Bâle; vous pourriez bien n'y éprouver d'autre sensation que le mal de la peur; les précipices sont à perte de vue, sans parapets ni barrières; on les trouve à la droite du chemin; d'énormes rochers à pic bordent la côté gauche. Il s'en est peu fallu que je ne sois tombée dans ces abîmes. Le cheval qui menait ma voiture, allait du droite à gauche au bord des précipices. Le chemin est étroit. Tout à coup mon cheval se cabre; le sang lui sort des narines et jaillit sur les vitres de ma voiture; le cocher decend pour arrêter le cheval, qui bondissait toujours. J'avoue que j'étais fortement effrayée; je dissimulais ma peur pour ne pas augmenter celle de ma chère compagne Adélaïde; le ciel eut enfin pitié de nous. Au moment même où nous étions sur le point d'être emportées dans les précipices; un homme (le seul que nous ayons rencontré sur cette route) vient à nous, ouvre la portière et nous fait descendre; pour aussitôt il se réunit au cocheur pour retenir le cheval et lui relâcher le harnais. Le col de la pauvre bête était trop serré, et le sang lui avait porté à la tête. [...] Nous contiuâmes notre route presque toujours à pied, pour ne pas nous exposer à des nouveaux périls, et nous arrivâmes à Bienne."
Souvenirs de Madame Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun, Bd. 3, Paris 1837, S. 232-234
La véritable destination du Voyage pittoresque, Bienne, s'offre à nous depuis la sortie des Gorges du Taubenloch, au pied du Boezingerberg. Le vieux centre de Bienne est légèrement surélevé, tandis que les constructions se sont largement étendues dans la plaine au cours des deux derniers siècles. Derrière, nous voyons Nidau et son château.
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